Un Mur Infini dans l'Espaaaaace

http://ldft.heavenforum.org/La-Fin-des-Temps-c2/La-terre-f5/L-Uto-f24/Entree-en-Uto-topic-d-entree-t80.htm

4i@ était entièrement réel, étant donné sa condition de robot. Son esprit ne se laisserait jamais dévier sur la route de l'imaginaire qui emplissait ce nouvel espace. Quelque part 4i@ se réjouit de voir qu'on se trouvait dans un espace à quatre dimensions comme avant : plus aurait nécessité des efforts de calcul. De plus cela signifiait d'excellentes chances pour qu'on soit dans le même univers.

Les illusions auprès de lui commencèrent à s'adresser à lui, mais il ne leur prêta pas attention. En apparence du moins. Mais son oeil immobile enregistrait tout : leurs tenues blanches, leurs cheveux solides, et leurs bottes en liquide bleu mouvant qui semble ramper pour eux. Puis il lança les fusées supraluminiques qui étaient sous ses pieds.

L'accélération quasi instantanée qu'il subit le propulsa à des dizaines de kilomètres dans le ciel, et il put voir une partie de l'Uto, se livrant à des calculs planétaires. Ce qui le mena rapidement à la nature de cet endroit : l'Uto était un plan infini, un mur dans l'espace qu'à jamais leurs habitants étaient condamnés à conquérir.

Une chose était sûre maintenant : on n'était pas dans le même univers, et 4i@ éteignit ses fusées, puis se laissa entraîner en l'air puis retomber, cherchant où atterrir.

Invité

Ce fut Abkataer qui aperçut la créature en premier. Elle n’avait pas d’ailes mais volait parfaitement, se laissant maintenant tomber. L’humain était à la tête d’une douzaine d’hommes armurés de noir. Tous portaient arme et écu, casques et armures intégrales. D’un signe de la main, il leur ordonna de se baisser. Les fougères les recouvrèrent presque entièrement, ne laissant dépasser qu’une lame ci et là. Seule la tête d’Abkataer était visible. Il scruta le ciel un moment avant de se retourner.

Il n’avait jamais vu pareille chose. Une créature rondouillarde, avec des pattes et des bras rigides, droits. Sa peau reflétait la couleur de leurs épées, celle de l’acier et des éclats du fer en général. Comment devait-il l’annoncer à Firmïn ? En bon bras droit qu’il était, il plaça les deux seuls hommes armés d’arbalètes en avant et désigna le reste du groupe. Tous -sauf les tireurs- furent bientôt partis pour on ne sait quelle forteresse.

Abkataer espérait que quand il reviendrait, son maître et ses pouvoirs sauraient déterminer ce qu’était cette chose. Si elle était encore là. Il jeta un dernier regard aux arbalétriers, l’air de dire « N’échouez pas, c’est lui ou vous. » puis se retourna pour filer avec les autres.

4i@ identifia clairement une poignée d'êtres intelligents, qui se mettaient en position de combat. Il fallait les observer de plus près. Il était encore à deux cents mètres, mais se téléporta juste devant eux.

Après quelques clichés, le robot se mit à faire des petits sauts de téléportation autour de ce groupe de spécimens pour l"avoir sous toutes ses coutures ; puis il repartit, disparaissant. Il valait mieux voir leur première réaction avant de faire quoi que ce soit.

Invité

Abkataer se retourna une nouvelle fois. Un homme avait hurlé, là où il les avait laissé. Il préféra presser le pas pour rentrer alerter Firmïn.
*
L’homme en armure visait la bête volante depuis une minute quand elle disparut totalement. Il eut juste le temps de s’adresser à son compagnon d’arme pour lui souffler un « sorcellerie ! » étouffé quand la chose réapparut juste derrière lui. Il y eut un bref déclic puis elle se volatilisa à nouveau pour apparaître ailleurs, à sa droite. Il tenta vainement d’estimer l’endroit de la prochaine apparition du démon mais celui-ci semblait totalement fou.
Le carreau partit, se plantant dans arbre devant lequel une seconde plus tôt se tenait le monstre. Le deuxième arbalétrier tira à son tour, sans plus de succès. Il avait crié. Tous deux regrettaient amèrement d’avoir accepté de rester seul. Et bien que le démon ne leur avait rien fait, ils étaient certains qu’il attendait le bon moment. Alors, tout en rechargeant avec peine leurs arbalètes, ils prièrent silencieusement.
*
« Sire, peut-être devrions nous retourner les aider ? »
Abkataer se retourna vers celui qui avait posé la question et lui planta proprement sa lame dans le ventre. La lame passa entre deux côtes, provoquant une importante giclée de sang.
« J’ai dit qu’on avançait. Ils s’en sortiront très bien. »
Il n’en pensait rien.

Ce peuple était hostile. Mais 4i@ avança néanmoins dans la clairière : les armes de ces hommes n'auraient rien pu contre le robot, même s'ils avaient été réels. De sa voix séduisante d'hôtesse de gare, il leur dit :

- Bonjour, peuple de l'Infini.

Deux nouveaux projectiles avaient fusé - et fait mouche -, mais 4i@ avait décidé de les ignorer. Sa cuirasse, impénétrable dans le monde réel, l'était tout autant ici en Uto.

- Je viens du ciel lointain d'où nul ne revient, ajouta-t-il. Une phrase énigmatique lancée à quelques êtres de niveau inférieur, et vous gagnez leur sympathie, tout du moins leur respect. En général.

Invité

Un des arbalètriers se tourna vers l'autre. Il du faire la remarque selon laquelle la chose parlait leur langue, bien que la voix fut celle d'un monstre inhummain. L'un d'eux prétendait être attiré, peut-être que cette chose n'était après tout pas mauvaise ? L'autre pesta en rechargeant une nouvelle fois son arme. C'était un chose qui n'existait pas, en Uto.

-Retournes-y, dans ton ciel, démon !

Un autre carreau partit, et un autre son sec se fit entendre quand il ricocha sur le métal renforcé du corps de la machine. Des jurons se firent entendre. Il fut question de fuir, d'aller allerter les autres que l'ennemi était invicible. Le débat tourna court, c'était simple : soient ils mourraient face à cette bête, soit face au marteau de Firmïn. Les deux hommes ne portèrent pas leurs pensées plus loin.

"Démon" ? Il semblait que ces hommes de l'Uto avaient une bien piètre idée de leurs visiteurs éventuels. Souvent c'était l'ignorance qui provoquait ce genre de réactions. Ainsi cet univers étrange était primitif... Dans la mesure de sa réalité, bien évidemment.

4i@ fit quelques pas de plus en direction de ces utochtones. Ils n'étaient maintenant plus distants que de quelques mètres, ce qui leur permit de le voir de plus près. ils continuaient à recharger leurs armes primitives, espérant probablement atteindre un éventuel défaut dans la cuirasse du robot. Peine perdue : les Axpodéliens avaient accompli leur travail avec une assiduité sans égale, et 4i@ était totalement invulnérable.

- Arrêtez donc de m'attaquer. Je ne vous veux aucun mal, créatures de ce monde étrange.

- Vois-tu ? Il essaie de nous amadouer. C'est un démon rusé !

Un autre carreau d'arbalète fusa, atterrissant en plein milieu de l'oeil de 4i@. La flèche se brisa en mille morceaux. Manifestement ces deux spécimens n'entendaient que ce que leur chef leur disait.

Très bien. Dans ce cas, il irait voir leur chef.

4i@ se mit à marcher en direction des deux arbalétriers qui le mirent à nouveau en joue.

- Il veut nous dévorer !

Avant que les projectiles n'atteignent leur cible, le robot disparut à nouveau. Il venait d'étudier la trame de l'espace-temps local pour calculer les avenirs possibles, et la probabilité de tirer quelque chose de ces soldats avoisinait les 0.003 %.

___

Quelques arbres torturés plus loin, Abkataer et le restant de son escouade virent le robot se matérialiser devant eux, sans artifice ni maelström de lumère et d'énergie. Puis 4i@ tomba sur le côté, émettant un bruit métallique sourd. Puis il lança le logiciel d'illusion pour faire un hologramme de flammes et de fumée sortant des jointures de son carter. Ne pronconçant pas un mot, le lecteur de sons fouilla dans la banque de données pour y trouver un bruit de flammes crépitantes. L'illusion était parfaite, il y avait même de la chaleur aussi.

Peut-être que cette technique fonctionnerait. De toute façon on ne pouvait lui faire aucun mal. Il fallait que 4i@ puisse rencontrer le maître de cet endroit pour savoir s'il était possible d'atteindre d'ici la Nébuleuse de la Jambe de Kukrapok.

Quelques secondes plus tard, le feu s'arrêta, et le système de camouflage laissa quelques traces noires un peu partout sur le corps du robot, qui avait refroidi. 4i@ espéra que cela fonctionnerait. Dans le cas contraire, il retournerait à la Fin des Temps.

Invité

Abkataer leva le bras. La colonne se stoppa. Le démon avait brûlé, mais le bras droit de Firmïn n’aurait su dire s’il trouvait la chose bonne ou mauvaise. Il le pensait capable d’une fourberie sans limite, aussi se méfia-t-il quand à sa soudaine apparition. Des hommes s’approchèrent, tâtant la carapace du monstre des piques de leur lance. Il avait beau douter, la chose avait bel et bien l’air morte.

« Qu’on construise un brancard, je ne veux pas qu’un seul d’entre vous touche cette bête. Si les arbalétriers ne sont pas revenus le temps qu’on la transporte, ils seront considérés comme morts. »

Quelques branches et un lit de mousse suffirent à élaborer le moyen de transport improvisé. On fit basculer le monstre sur le dessus et deux des hommes les plus forts levèrent le brancard à bout de bras. Abkataer en tête, le groupe reprit sa route. Le maître serait sans doute content.
4i@ se laissa emporter, réduisant un peu son poids lorsqu'il fallut le déposer sur le brancard. Sans faire un mouvement, il enregistrait la moindre des paroles des habitants de ce lieu infini et étrange ; mais ils ne parlaient pas beaucoup. Celui qui semblait être leur chef terrorisait tous les autres.

Au bout d'un long moment, on quitta la forêt pour arriver dans ce qui ressemblait plus ou moins à une forteresse. L'avant poste fortifié était fait de pierres d'un blanc immaculé, tout juste troublé par des plantes grimpantes envahissantes. Les portes s'ouvrirent lorsque Abkataer se fit reconneître. Firmïn descendait les escaliers menants à sa tour quand le petit groupe entra dans la cour intérieure. A la vue du robot, le seigneur d'Uto se crispa. Cette chose n'était pas de cet univers. Il se remmémora sa précédente visite chez le Lecteur en serrant des dents.
Un réflexe l'amena à porter sa main gauche à l'Anneau qu'il portait à sa droite. On ne savait que prédire avec cette chose. Restait à savoir si elle venait de la Terre et de l'Espace ou d'un autre univers encore...

Dès que Firmïn s'était approché, 4i@ avait senti le pouvoir de l'anneau énergétique qu'il portait. Il ne fallut que quelques secondes au robot pour effacer les pseudo-traces de flammes et se remettre debout. Les serviteurs de Firmïn lâchèrent le brancard comme s'il leur avait brûlé les mains, murmurant des paroles conjuratoires pour se défaire de la malédiction qu'ils supposaient naître en eux à cause de l'intrus que 4i@ représentait.

Firmïn des Valombres, Maître de l'Uto. La machine intelligente avait retrouvé son identité dans ses fichiers. Il s'agissait donc bien d'un habitant de la Fin des Temps. Voilà qui était bon signe.

Les hommes se tenaient à une distance respectable de Firmïn et de son invité surprise. Ils faisaient quasiment la même taille. Le robot profita du climat immobilisé pour chercher une façon de saluer Firmïn. 4i@ fit un pas en direction de ce dernier. Aussitôt, les arbalètes et les lances pointèrent à nouveau. Firmïn leva la main pour les arrêter. Puis la voix suave d'hôtesse de gare s'éleva, faisant à nouveau sursauter quelques utochtones.

- Vos soldats sont fort stupides, Seigneur Firmïn. Vous n'imaginez pas les difficultés que j'ai eues pour qu'ils m'amènent jusqu'à vous. Heureusement, comme je l'ai déjà dit, ils sont stupides. Quoique fort amusants.

Invité

Firmïn se retient d’inventer un sort morbide déstiné à la machine qui venait de s’introduire dans son univers. Sa main ne s’était levée que par curiosité tandis qu’il calmait les esprits certes réduits de ses hommes. Il les renvoya à leur poste d’un geste énervé. Ils restèrent seuls, Abkataer à leurs côtés, silencieusement posté derrière Firmïn.

« Vous connaissez cette bête, maître ? » Il avait chuchoté.

« Oui, ne t’inquiètes pas, elle ne fera rien. Elle n’abrite ni démon ni malédiction, mais ce serait trop long de t’expliquer. »

Firmïn le congédia à son tour. Une fois qu’il fut sûr qu’il ne pouvait entendre, il se rapprocha du robot à la voix sans émotion.

« Je me fiche pas mal de vos difficultés, robot. Que faites vous ici ? Savez-vous que vous allez suscité des questions très gênantes dans les esprits « stupides » de mes hommes ? Si l’un d’eux doute, si un seul d’entre eux pense qu’il y a un autre monde, pire, que je l’ai créé, que se passera-t-il ? Je devrais tout reformater, et cela me prendrait un temps fou. Alors, pourquoi êtes vous là ? »

Sa main n’avait pas quitté le rassurant halo magique de son anneau. Il pensa un instant qu’une autre personnalité de la fin des temps aurait pu lui envoyer cette machine, peut-être y en avait-il d’autres en Uto ? Il se raidit en attendant une pseudo-réaction de l’être mécanique.

- "Ici".
- Quoi ? dit le maître des lieux.

Sur un ton légèrement agacé, 4i@-$P#11 répondit :

- Ici. "Pourquoi êtes-vous ici", c'est cela précisément qu'il fallait dire. Si j'étais ailleurs, vous pourriez me dire "pourquoi êtes-vous là", mais en l'occurrence je me trouve "ici", avec vous. Au même endroit.

Le regard de Firmïn se fit plus perçant, et plus sceptique. Cela ne créa aucune émotion dans le coeur du robot, néanmoins celui-ci comprit qu'il devrait se contenter de répondre à la question au lieu de tatillonner comme à son habitude.

- Bref, je me trouve dans cet endroit car je suis à la recherche d'un moyen de quitter la Terre. Et comme vous le savez sans doute, depuis que Lord Jagged a refermé la boucle temporelle, il est impossible de partir de cette planète de fous. Et je me suis dit qu'avec les formidables fluctuations quantiques dont votre monde est chargé, il me serait peut-être possible de trouver une porte de sortie.

On lisait dans la voix de la machine le désespoir inépuisable qui la faisait continuer à chercher un moyen de regagner sa planète et son époque d'origine.

- Vous comprenez ? Fuir ce monde dégénéré... et par la même occasion oublier cette humanité dépravée qui m'a accueilli sans que je lui demande quoi que ce soit. Parce que vraiment...

Ce "Parce que vraiment..." était lourd de sous-entendus. Le périscope de 4i@ se tourna un peu dans toutes les directions, enregistrant toujours ce qui se passait au pied des marches de ce blanc palais. La réalisation était parfaite, et le robot se promit d'en faire le compliment à Firmïn dès que le moment serait propice.
Se demandant si ce petit homme l'aiderait, 4i@ s'assit à même le sol.

Invité

« Fuir ? »

Firmïn fut étonné du point de vue du robot à tel point qu’il écarta la main de son anneau. Il jet un coup d’œil aux alentours, histoire de vérifier que personne ne passait par là, et pour décourager les curieux.

« L’Uto a été créé pour cela. Pour éviter la réalité de la Terre. Et comme cet univers me convient très bien, je ne vois pas pourquoi je m’inquiéterais d’une boucle temporelle. En étant présent en Uto, vous avez dans un sens quitté la Terre, mais dans un autre vous y trouvez tout de même. Vous êtes ailleurs mais cet ailleurs a été conçu sur Terre. »

Firmïn avait choisi d’ignorer les remarques grammaticales du robot. Il lui paraissait totalement antipathique, comme chaque être pensant qu’il lui avait été donné de rencontrer. Le fait qu’il veuille quitter la Terre en passant par l’Uto le flatta néanmoins, bien qu’il cache toute émotion de fierté.

« Il n’y a as de porte de sortie en Uto. Il y a une seule porte, celle que vous avez emprunté pour venir ici. Elle ne se trouve nul part et partout sur terre, et conduit ici (il se retient de ne pas lâcher un « là » exprès). L’Uto n’ouvre aucune autre voix que la sienne. Dois-je être désolé ? »

Il ricana doucement. Tout humain doté de l’Anneau et d’un peu d’imagination devait pouvoir faire quelque chose pour 4i@. Firmïn ne ferait rien qui ne lui apporte rien en retour. Et encore moins ici, en Uto.

Le rire de ce petit homme finit d'agacer 4i@. Rire du désarroi d'une machine aussi sophistiquée ne pourrait que lui attirer des ennuis. D'une voix posée, le robot lui expliqua comment il avait compris qu'il lui mentait.

- Comment pouvez-vous savoir qu'il n'existe aucune porte ? Votre Uto est infini. Or vous êtes fini. Il y a donc une infinité d'endroits de votre monde dont vous ignorez tout. Et si dans l'un de ces lieux une autre porte vers l'Univers existait ?

4i@ vit que Firmïn allait le couper. Il ne le laissa pas faire, haussant légèrement le volume de son communicateur.

- Que vous m'aidiez ou non, je n'en ai cure, Seigneur. Reformatez à votre guise après mon passage, massacrez tous les témoins de ma venue, mais j'explorerai l'Uto. Et pour ce qui est de son immensité, j'ai tout mon temps.

4i@ fit volte-face devant le palais et commença à marcher, avec quelque chose d'ostensible dont il espérait que cela énerverait Firmïn au plus haut point. Autant profiter un peu de la situation : 4i@ ne pouvait être tué, et à en juger par la qualité des guerriers de ce monde, 4i@ ne pouvait même pas être attrapé. En réalité, il était tout-puissant, au même titre que celui qui avait créé cet endroit.

Oui, pour la première fois depuis son arrivée sur la Terre, 4i@ prit à nouveau plaisir à accomplir sa mission.

Une fois que 4i@ fut assez loin pour ne pas le remarquer, Jagged sortit du fossé qui entourait le château pour se positionner derrière Firmïn. Il s'était rendu invisible pour l'occasion, car il aimait bien espionner.

- Quel tact, Firmïn. Vous m'étonnerez toujours : peu de gens sont capables de pousser ce robot à bout.

Jagged pouffa.

- "Ce robot à bout" ! Essayez de le dire dix fois de suite sans bafouiller !

Jagged se rendit à nouveau visible, flamboyant dans son armure de combattant angélique. Mais la couleur commençait à lui déplaire, aussi il commença dès maintenant à réfléchir à une nouvelle apparence. De plus, l'aspect "Paladin au service du Bien" faisait un peu tache dans cet environnement qui était au quotidien terni par la peur et la mort.

Sans mot dire, il avait suivi 4i@ dans la faille menant à l'Uto. Les hommes pouvaient y accéder par la pensée et le robot y était parvenu, mais Jagged n'était pas sûr qu'il puisse en sortir sans difficulté - surtout avec l'énergumène qu'était Firmïn. Aussi était-il venu pour garantir la sécurité de cette machine merveilleuse en laquelle une civilisation entière avait placé ses tous ses espoirs.

Constatant que comme toujours, Firmïn avait un humour proportionnel à sa taille, Jagged se pencha pour lui parler à voix basse.

- Pourquoi ne pas l'aider ? Après tout, si vous lui donnez un petit coup de main, vous serez plus vite débarrassé de lui.

Manipulateur ? Un peu. Mais surtout, Jagged savait que cette recherche d'une porte dimensionnelle vers une autre époque serait bien plus divertissante en compagnie de Firmïn.

Invité

Ce robot allait vraiment tout foutre en l’air. Et au moment où Firmïn allait émettre la pensée qu’il ne manquait plus que Jagged au tableau pour que l’ambiance soit infernale, Jagged apparut. Après le magnifique sursaut que le maître d’Uto exécuta, il ouvrit la bouche.

« Dieu, Sieur Jagged, plus d’apparition de ce genre ! »

Il ignora les jeux absurdes de l’homme en tenue d’ange et fronça les sourcils en directions de 4i@. Il fallait reconnaître que Jagged avait vu juste. L’aider à trouver sa sortie débarrasserait Uto de ces deux intrus. Et le robot avait raisonné de la bonne façon. Enfoiré de machine.

« Eh ! La machine ! Revenez un peu par là ! Vous avez vu juste, vous êtes moins bête que je ne l’estimais. Mais même si vous avez tout votre temps, je doute que trouver des portes de ce genre vous soit aisé, même en connaissant vos capacités. Je vous aiderais à la condition que cet univers reste ce qu’il est. »

De toute façon, il était clair que l’Uto verrait ses entrées limitées une fois cette « visite » terminée. Et même s’il répugnait à Firmïn de devoir aller sur Terre, il le ferait plus souvent si cela pouvait épargner l’Uto.

Et en s’adressant à 4i@ : « Pouvez vous changer de forme ? Ce serait bien plus pratique. Déjà qu’il va falloir que je modifie bien des choses dans ce domaine, je préfère ne rien avoir à formater ailleurs. Prenez tous deux des formes adéquat à cet univers, et nous partirons sur l’instant.

Le stratagème avait fonctionné. Si 4i@ l'avait pu, il aurait poussé un soupir de soulagement. Se tournant, il remarqua que Jagged était là lui aussi, avec son éternel sourire exaspérant qui disait : "Je sais plus de choses que vous".

- Changer de forme ? Cela m'est impossible. Je ne suis qu'un robot et au-delà de ce que me permettent mes articulations je ne puis changer ma forme. En revanche, changer d'apparence fait partie de mes aptitudes. A vrai dire, pour apporter aux Axpodéliens votre technologie, j'ai intégré à mon carter un anneau et une mini-centrale énergétiques.

4i@ regarda Firmïn avec dédain - bien que cela ne se vît pas - et effectua donc sa transformation. Le corps du robot se mua en cheval sellé et équipé, puis sur son dos poussa un cow-boy au regard d'acier.

- Cela vous convient-il ainsi ? dirent en choeur le cavalier et sa monture, munis pour l'occasion d'une nouvelle voix très virile.

Le cow-boy ne portait pas les armes à poudre que 4i@ avait pu voir en explorant le XIX° siècle de la Terre, car il n'en avait pas besoin : le rayon désintégrateur invisible de 4i@pouvait remplacer toutes les armes.

Jagged accéda à la requête de Firmïn sans broncher. Après tout il avait eu lui aussi l'idée de changer de corps. Il opta pour une apparence de guerrier assez classique, gardant l'épée magique que lui avait confiée Baphomet. Puis Jagged songea à un détail auquel lui et 4i@ auraient dû penser.

- Peut-être n'aurions-nous pas dû changer d'apparence au beau milieu de cette plaine. Je suis sûr que certains de vos hommes nous ont vu faire et crient déjà à la sorcellerie. Firmïn, croyez-le, je suis absooolument navré de n'y avoir pensé avant, dit-il, dissimulant tant bien que mal son rictus malicieux.

Firmïn avait grand besoin d'être déridé, et donc il avait grand besoin de dépaysement. L'incursion de 4i@ et de Jagged dans son environnement allait lui apporter tout cela. Avec, en prime, ce que le Lecteur Eternel avait révélé au nabot misanthrope - et que Jagged savait aussi par ailleurs -, plus le fait que Firmïn ignorait quasiment tout de son propre monde, on obtenait à coup sûr une recette détonnante.

Levant les yeux vers le ciel menaçant mais qui semblait ne jamais devoir mettre sa menace à exécution, Jagged prononça les paroles fatidiques :

- Alors, on y va ?

Invité

Firmïn n’en finissait pas de fixer Jagged d’un regard méprisant. Il soupira sans discrétion et avança jusqu’à Abkataer, qui était resté assis sur des marches à les observer. Ils échangèrent quelques mots, des consignes et des ordres. Pendant la discussion, les yeux d’Abkataer se firent brillants de malice. Il tenta vainement de dissimuler un sourire. Firmïn se retourna et revint à la hauteur des deux nouvelles apparences.

« Cela me prendra un certain temps, mais je reformaterais les esprits faibles des quelques témoins de cette forteresse. Jagged, Je me fous de vos excuses. »

La fin de sa phrase sonna un blanc chez le petit groupe. Quelques secondes passèrent avant que Firmïn ne s’avance vers la porte.

« Il nous faudra marcher, chevaucher ou voler, selon votre préférence, vers des terres de l’autre côté de cette forêt. Les incessants changements dont Uto fait preuve constamment nous interdissent de nous téléporter, cela s’averrait trop dangereux, et si l’on considère l’Uto comme autant infini que vous le définissez (hochement de tête vers 4i@), alors même nos anneaux ne vont pas assez loin. »

Il s’amusa intérieurement à se répéter ces quelques mots : autant infini que… Ce qui ne voulait rien dire ferait peut-être enrager ce robot. Quel bonheur d’habiter un monde sans limites. Firmïn plaignait fortement les derniers Terriens.

« Les dangers de la forêt ne seront sans doute rien pour nous trois, mais une fois de l’autre côté. Les amazones et les rôdeurs ont parmi leurs tribus des shamans assez puissants. Partons sur l’instant, j’ai donné l’ordre de faire revenir toutes les patrouilles et de ne pas en envoyer d’autres. Nous serons tranquilles. »

Le cheval baissa la tête à hauteur de Firmïn et lui souffla à l'oreille :

- Il fallait dire "aussi infini que". Vous le faites exprès, pas vrai ?

Puis 4i@ commença à se diriger, se conformant au conseil du nabot, qui consistait à partir aussi tôt que possible. Ses réacteurs photoniques, dissimulés sous l'apparence d'un cheval, pouvaient le faire voyager à une vitesse dépassant de plusieurs fois celle de la lumière. Il fit part de cette information à ses compagnons.

- Il va de soi que nous ne nous déplacerons pas aussi vite, mais il est possible néanmoins de croiser à une vitesse raisonnable. Je peux facilement détecter les portes dimensionnelles, comme je l'ai fait pour celle d'Uto ; j'imagine que je dois vous épargner les détails techniques... Cela dit, j'espère ainsi trouver assez rapidement une ouverture.

- Eh bien dans ce cas, nous vous suivrons, 4i@. Veuillez donc indiquer la direction qui vous semble la plus appropriée, je vous prie.

Jagged se demandait si le fait de ne pas mener l'expédition gênerait Firmïn. Ce dernier était - comme à son habitude - pire que désagréable et il fallait parfois lui concéder un certain pouvoir (décisionnel ou autre) pour qu'il devienne un peu plus souple ; mais 4i@ semblait n'en vouloir faire qu'à sa tête. Lequel des deux était le plus froid ?

Jagged pouffa à cette question posée à lui-même. Ici, le plus marrant, c'était lui. Encore.

*Vivement mon retour dans le monde normal. Je me créerai un bouffon pour me divertir à l'occasion.*

D'un geste gracieux, Jagged se créa un cheval. Il ne fallait néanmoins pas se fier à son apparence pataude, car c'était un véritable éclair quand il fallait se déplacer vite. On verrait s'il tiendrait la route avec 4i@ comme guide.

Invité

La forêt s'étalait interminablement. Les chevaux des deux "invités" de ce monde ne montraient aucun signe de faiblesse alors que les heures passaient, le silence n'étant brisé que par une blague ou remarque de mauvais gout de Jagged. La monture de Firmïn, elle, commençait à avoir une légère écume baveuse aux levres et rechignaient à monter les racines emmêlées au point qu'elles en montaient sur plusieurs dizaines de centimètres. Mais Firmïn ne pensait pas à son monture, il pensait aux modification qu'il devrait apporter à son plan, tant au niveau entrée/sortie qu'au niveau de la reformatation de ses sujets.
Il tourna la tête vers 4i@. Enfoiré de robot.

-Je ne vois pas pourquoi un voyage en cheval-illusion nous mènera à une fluctuation quantique, sieur robot. Je puis trouver nombre de sources magiques, mais est-ce que la magie d'ici vous mènera ailleurs que sur Terre ou en Uto ? J'en doute. Je peux vous mener partout sur ces terres, et créer les lieux que je ne puis fournir sur l'instant, mais il me faut savoir ce que nous chercons précisément.

Il avait eu une irrépressible envie de rajouter enfoiré de robot mais s'était abstenu. Il avait également envie de lui foutre un bon coup de masse, à l'ancienne, et même d'utiliser sa technologie terrienne pour écraser cette vermine hérétique. Mais on n'était sur de rien avec ces machines. Et il ne voyait pas de raison pour que 4i@ lui ait menti. Trouver une porte de sortie qu'il s'empresserait de modifier était la meilleurs solution.

Dernière édition par le Ven 28 Sep 2007, 17:54, édité 1 fois

Jusque-là, les scanners du robot n'avaient pas découvert une seule petite trace d'une porte quantique. Et Firmïn se comportait comme un mortel : il était impatient et agressif, et la crédibilité de cette histoire de porte hypothétique en devenait de plus en plus mince.

C'est une voix suave qui s'échappa de la bouche du cheval.

- Savez-vous, mon cher compagnon, que nous n'allons certes pas bien vite à dos de cheval ; mais cela ne dépend que de votre volonté. Formater un peu Uto ne vous demandera qu'une seconde. Le formater beaucoup ne vous demandera que trois secondes. Noyées dans une division par le temps infini qui vous reste à vivre.

Puis le cheval sourit. Il y avait un changement dans ses appareils de mesure. Au loin, la forêt disparaissait. Et plus loin encore, le sol devenait de plus en plus blanc. 4i@ chercha avec son programme d'intuition. De la neige, comme il en avait vu sur la planète Zoltan ? Impossible. Non, au bout de quelques secondes, il comprit qu'il s'agissait en fait de métal. Le champ magnétique était très intense.

- Mes capteurs me disent qu'il y a une grande quantité de métal au loin, là-bas. Peut-être un vaisseau spatial, ou une ville faite entièrement de métal ? En tout cas, il y a peut-être au centre une porte, mais le champ magnétique environnant est si fort que je ne peux pas la détecter pour l'instant. Allons donc voir ce qui s'y trouve. Je ne sais pas vraiment ce que nous cherchons, à part qu'il s'agit une porte dimensionnelle. Il y en a de plusieurs sortes, mais il nous en faut une qui puisse nous faire changer d'univers.

Sujet: Re: Un Mur Infini dans l'Espaaaaace Lun 24 Sep 2007, 18:59

- Hmm. Cela semble moins aisé que je ne l'aurais imaginé de prime abord, remarqua Jagged lorsque 4i@ expliqua de quoi il s'agissait - néanmoins il ne se départissait nullement de son sourire entendu. J'espère que cela ne sera point trop dangereux. Je reviens d'une aventure en compagnie de mon ami Baphomet, et cela était fort...

Jagged ne trouva pas l'adjectif adéquat, cependant la phrase était très bien comme ça. Il la laissa donc ainsi. Puis il s'intéressa de plus près au paysage qui attendait les trois quasi-dieux.

- Il faut que l'un d'entre nous aille voir de quoi il s'agit. Ainsi, si le peuple qui vit là-bas est belliqueux, nous n'aurons pas à en souffrir tous les trois. Alors pourquoi n'iriez-vous pas y jeter un oeil, mon cher Firmïn, vous qui êtes le maître de ces lieux ?

Le rictus de Jagged s'accentua encore, devenant presque sardonique. Mais Jagged ne pensait qu'à l'amusement, et nul sadisme n'affleurait son regard.

Invité

Firmïn sursauta quand le robot parla de vaisseau spacial.

-Une porte dimensionnelle, c'est possible, mais un vaisseau, sûrement pas. On peut peut-être accéder à mon monde de diverses façons, mais pas par l'espace. Ici, la terre est platte et infinie. Le ciel est simplement le ciel. Ou alors il dissimule d'autres cités et d'autres terres vautrées sur les nuages. La notion d'espace n'existe pas. La lune et le soleil sont des jouets conservants le jour et la nuit. Vous avez pu constater qu'il n'y a aucune étoile en Uto.

Il se tourna vers Jaged. Trop concentré à sourire, celui-ci ne resista pas à la pression exercé par le flux invisible envoyé par Firmïn. Il éleva le Lord à quelques centimètres du sol, son cheval avec et le fit avancer en équilibre droit devant.

-Nous allons y aller tous ensemble.

Il lâcha son emprise. Il ne doutait pas une seconde que 4i@ suivrait. Lui ne devait pas connaître la peur, et devrait sans doute résister à quasi-n'importe quoi venant d'Uto.

-Vous ne pouvez pas zoomer, sire technologie ? Vous ne nous servez malheureusement pas à grand chose, alors que nous nous évertuons à trouver une solution à votre problème. Puissiez vous mourir, si cette option vous étiez donnée.

Enfoiré de robot...

Sujet: Re: Un Mur Infini dans l'Espaaaaace Ven 28 Sep 2007, 18:45

- Soit, Firmïn ; pour votre bon plaisir je vais restreindre un peu plus mon algorithme de divagation.

Un son qui semblait plutôt inapproprié dans un tel endroit se fit entendre. La reprogrammation était effectuée avec succès. Puis 4i@ tendit son regard plus avant. Au bout de quelques secondes, le cheval aux yeux exorbités donna une réponse - que dis-je, tout un troupeau de réponses - quant à la nature du lieu vers lequel ils se dirigeaient :

- Il s'agit bel et bien d'une ville, et elle est très grande. Les gens qui y vivent sont bien moins barbares que ceux du peuple que vous avez pour habitude de tyranniser ; leur niveau technologique est comparable à celui du début de l'Âge de Lumière. Leurs gestes sont fort civils, et leurs armes redoutables - il faut en déduire qu'ils ont certainement des ennemis quelque part. Rien qui puisse m'inquiéter néanmoins, ni moi ni aucun de nous étant donnée notre condition... particulière. J'espère que cela suffit à votre curiosité acerbe, sire antisocial. Ils portent des vêtements de métal poli et de grandes capes. Adaptez votre tenue à ce nouveau sous-environnement.

4i@ reprit alors sa forme originale, expliquant au passage que les habitants de cette immense cité possédaient de nombreux robots et qu'ainsi il passerait aisément inaperçu.

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