Vole et virevolte...

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Lascivement étendue sur une plaque de graphite rendue afriable, Läme fendait l’air en se jouant des différentes lois qui auraient pu la faire chuter, avec la pétulance d’une enfant de cinq ans. Cinq anneaux énergétique s’alignaient autour de son bras gauche et tintaient d’un son cristallin, prêts à répondre à la moindre de ses envies. Elle virevoltait jusqu’à s’en rendre malade puis stoppait net son mouvement, reprenait ses esprit et reprenait de plus belle.

Ses éclats de rires résonnaient, cristallins, dans le ciel de la Fin des Temps.

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Vidyasagar n'avait pas hésité à délaisser la Cité Merveilleuse, siège de sa résurrection, malgré sa superbe et cette paix étrange qui y régnait depuis tant de siècles, pour partir à la rencontre du propriétaire de l'Entre Ciel et Terre visible au-dessus de l'horizon. S'il avait entendu parler de ce lieu, il n'en savait pas plus sur son ou ses habitants pour le moins discrets. Sans doute y trouverait-il de quoi se distraire après les derniers événements, dont le processus de résurrection, à sa demande, avait néanmoins rendu le souvenir trouble.

Presque amnésique, il fila dans les airs en direction de la tour, mais ralentit bien avant en entendant la jeune femme, acrobate dessinant des arabesques dans les cieux, dont les rires lui réchauffèrent le coeur instantanément. Il sourit.

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Un nuage passa dans le ciel immaculé des ébats aériens de la Créature. Intriguée par cet accroc dans son paysage, elle stabilisa son allure avec la fluidité de l’habitude et se présenta devant l’Avatar d’une statue grecque, un Pygmalion masculin aux formes et au regard intrigants. Elle le dévisagea un instant pour retrouver le souvenir de son existence et répondit à son sourire lorsqu’elle trouva sa réponse : cet être là avait « gagné » son droit à l’existence dans son Monde.

La Fin des Temps, justement, était assez vaste pour que sa présence aux alentours de sa demeure ne soit pas imputable au hasard. Sans démordre de son sourire qu’elle voulait confiant, Läme se planta, planante mais déterminée, devant ce nouveau venu pour qu’il s’exprime le premier… question de bonnes manières.

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La demoiselle l'interrogeait maintenant du regard, les yeux espiègles et le sourire aux lèvres. Devant la gracieuse silhouette, Vidyasagar n'éprouva cependant qu'un désir contrôlable. Sans doute son esprit avait-il été bousculé durant les dernières heures. Il s'en étonna mais ne s'en inquiéta pas : il retrouverait bien assez tôt toutes ses facultés.
Il s'annonça gaiement et en toute humilité :

- Jeune enfant, je ne crois pas vous reconnaître, mais c'est un plaisir... Je me baladais du côté de la Cité Merveilleuse voyez-vous, le vague à l'âme, quand j'ai aperçu votre tour... Pardonnez-moi : je suis Vidyasagar, Poil d'Elohim. Pour vous servir...

Il termina avec une courbette exagérée, cachant sa perplexité quant aux raisons qu'il se donnait d'être en ce lieu. Mais finalement, qu'y avait-il d'étonnant dans un monde à ce point dépeuplé à profiter de la moindre rencontre...

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Devant la révérence désuète de ce géant dénudé, Läme ne cacha pas sa surprise : elle trouvait assez peu fin de se voir ainsi offrir les services d’un personnage célèbre par delà les Mondes. La politesse avait souvent d’étranges coutumes… La « jeune enfant » se sentit obligée de répondre en s’inclinant, tout en veillant à ne pas quitter le regard de son interlocuteur : son charisme et ses préférences singulières pour des débats plus physiques que spirituels le rendrait immédiatement antipathique aux yeux de son Maître. Dans la mesure où celui-ci s’apercevait de leur conversation, ce qui – elle l’escomptait – ne serait pas le cas avant quils ne parviennent jusqu’à la Tour.

« Monsieur, voyez en moi la servante du Professeur Frölin Kiersh. Si vous souhaitez m’appeler, mon nom est Läme et puisque vous semblez ignorer ma qualité, sachez que je suis au fait de la vôtre dans quelques-uns uns de ses détails… »

Son sourire se fît entendu, elle ne voulait pas gêner un être qui présentait ouvertement sa mélancolie à une inconnue.

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Le vigoureux démiurge ne se vexa pas le moins du monde - non, il se contenta de détourner le sujet comme si de rien n'était, comme c'était l'usage. Tout en parcourant des yeux la surface impeccablement lisse de l'Entre Ciel et Terre, de sa base qui flottait étrangement au-dessus du sol jusqu'au firmament où elle ne devenait plus qu'un fil perçant les nuages, il poursuivit :

- Le Professeur Frölin Kiersh ? Je ne suis pas sûr de l'avoir déjà rencontré en personne... A quoi occupe-t-il son temps pour ainsi se cacher du monde ?
... Et vous, d'ailleurs, Belle Acrobate ?

Vidyasagar, s'il restait un peu plus réservé qu'à l'accoutumée, n'en avait pas moins déjà évacué la sincérité de sa mélancolie, et occulté les raisons même de sa présence dans les environs d'une Cité Merveilleuse. Tout simplement, il jouait à nouveau, il jouait le rôle de sa vie d'immortel, celui de Vidyasagar, et c'était tout ce qui comptait.

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L’attention du Poil d’Elohim semblait résolument tournée vers sa Tour. Läme s’assombrit l’espace d’un instant, victime de sa déception : elle se trouvait face à un monument de l’Histoire des Mondes et celui-ci avait simplement l’air… absent. L’idée qu’on puisse s’intéresser plus à son Maître qu’à elle lui était proche de l’insupportable, surtout en sa présence. Devant le calme imperturbable de Vidyasagar, elle se radoucit et tâcha de l’obliger à soutenir son regard plutôt que l’horizon. S’il voulait se rendre chez elle, elle ne pourrait plus s’entretenir à loisirs avec lui. Il lui fallait donc répondre à ses questions.

« Mon Maître s’instruit et raisonne Monsieur, et le propos de son étude dépasse les frontières de l’entendement, même du vôtre. Cependant, la raison de votre présence en ce lieu me semble dépasser la simple promenade et si mon Maître peut vous être utile en quelque mesure, sachez que je serais apte à vous rendre service. »

Le sourire de la Créature était toujours présent. Son regard, lui, s’intensifiait à mesure qu’elle parlait pour garder intacte l’attention du Demi-Dieu.

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- Utile ? Je ne vois pas... Et puis cet homme a l'air bien occupé, que ferais-je d'une pareille compagnie. Non, je suis bien mieux là à goûter votre charme, Délicieuse Créature...

Vidyasagar avait peu à peu reporté toute son attention sur Läme. Peut-être étaient-ce le regard vif qu'elle lui adressait, ou ses courbes ravissantes, ou encore cet immense édifice dressé en arrière-plan, mais il s'approchait maintenant, les yeux voraces. Quand il ne fut plus qu'à un mètre d'elle, il marqua un temps d'arrêt, puis laissa finalement échapper un murmure :

- Pardonnez-moi mais... Votre immortalité ne vous a-t-elle jamais affligée ?

Dans une incohérence et une impudeur totales, le démiurge priapique s'était brusquement mué en enfant naïf en quête de réponses sur le monde... Mais avant même qu'une réponse ne vienne, un lourd fardeau avait dégringolé de ses épaules. Puis il revint à lui, tout étonné, se demandant presque si quelqu'un n'avait pas parlé à sa place.

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Le regard de l’Être s’était éclairé et son attention enfin revenue sur la jeune femme, au point qu’elle se sentait à présent comme un fruit sur un arbre en plein désert… Vidyasagar devait avoir des souvenirs particulièrements forts de ce sentiment Mortel appelé « l’Appétit »…
Alors que Läme se préparait à réagir au rapprochement significatif du visiteur de ses terres, elle vit son expression radicalement changer et fut prise au dépourvu :

« Im… Immortalité ? Affligée ? »

La question de sa propre immortalité ne s’était jamais posée puisqu’elle pouvait encore compter les événements qui la séparaient de sa Création. En revanche, la préocupation de l’Ancien Mortel l’interpella et attisa sa curiosité. Elle se ressaisit et lança avec un regard flamboyant de curiosité :

« Ainsi donc, votre ancienne mortalité vous préoccupe tant ? Vous semblez conserver l’Angoisse du terme et la projetez sur le Non-Terme… Comme c’est étrange… »

Elle se tenait à quelques centimètres à peine de lui, les yeux toujours fiévreux. D’un air hautain, elle se recula lentement et poursuivit sa réflexion :

« En qualité d’Être Fini offert à l’Infini, vous devriez avoir perdu votre dernière angoisse dans ce nouvel état où vous vous trouvez… »

Tout en marmonnant, elle se mit à tourner autour de lui : mi fascinée, mi amusée.

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Entre le jeune animal, curieux et joueur, et le prédateur adulte lorgnant sa proie, Vidyasagar n'aurait su dire où se plaçait son énigmatique compagne. Il se contenta de rester figé, et de la suivre d'un regard embarrassé, presque méfiant. Malgré tout il se prit à réfléchir un long moment et déclara, une expression de concentration à peine soutenable dessinée sur le visage :

- Je pense que la chose est entendue, j'appartiens aujourd'hui et pour l'éternité à la Fin des Temps... Non, ce n'est pas le fait de l'ignorer mais de le savoir qui semble être la cause de cette angoisse... Et la polysémie du mot "fin"...

Les volutes lumineuses nimbant son corps tiraient maintenant sur l'orange incandescent. Le menton dans la paume et les paupières plissées, l'effort semblait lui prendre toute son énergie et son attention. Occupé qu'il était, il ne se rendit pas compte de cette sensation de légèreté, qui l'avait déjà traversé quelques instants plus tôt : pour suivre la créature du Professeur dans sa réflexion, puisque centrée sur lui-même, il s'éloignait de son personnage et de l'empire de celui-ci sur son humeur.

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[HJ : Désolée du retard... Si tu trouve qu'on avance pas assez vite, envoie moi un MP ^^]

La réflexion de Vidyasagar fit briller les yeux de Läme : ainsi donc ce grand bonhomme aux questions existentielles portait également son résonnement sur des principes plus abstraits que son ressenti… Ce point de détail l’intéressait au plus haut point : l’esprit n’était peut-être pas absent de ce corps sculpté par l’orgueil.

Placée derrière lui, elle se raprocha de son oreille et lui murmura d’un ton rassurant mais pas tout à fait dénué d’impertinence :

« Si vous êtes angoissé par le Terme, pensez au But. Toutes les lois de l’Univers ne conduisent qu’à un seul point précis… »

Elle refit le tour de l’Être et se planta devant lui avec un grand sourire candide, ses yeux seuls traduisaient son amusement extrême.

« …et vous y êtes. »

Ce Monsieur-là avait à présent toute son attention…

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« Bien sûr... Et nous-même, nous sommes ce but, n'est-ce pas ? »

Il sortit de sa méditation les yeux brillants, fixant le visage de Läme avec impatience. Mais déjà il reprenait du poil de la bête, et avant même qu'une réponse ne lui parvienne l'inévitable arriva : il se mit à surjouer, comme il savait si bien le faire, gesticulant et déclamant d'une voix de ténor :

« Oui, nous sommes la finalité ultime de l'humanité, et en tant que tels, nous nous devons - nous nous devooons ! - de faire ce pour quoi nous sommes là : vivre ! Et créer, et aimer ! Oh ma Reine, laissez-moi vous prendre ! »

D''un geste, il déchira sa toge, exhibant un corps luisant à la peau bleue pâle, son torse musclé parsemé de poils d'argent, sa vigoureuse nudité... Il fit tourner son anneau de rubis précipitamment pour faire apparaître une tête de lion à la place de la sienne, nimbée d'une crinière phosphorescente. Il bondit.